Mes Coups de Coeur Culturels et bien d'autres...

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" Les Fausses Confidences " de Marivaux *

Mise en scène de Luc Bondy.
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Parler des pièces de Marivaux c’est parler de marivaudage. Mais, qu’est-ce que le marivaudage si ce n’est, en substance, le talent de dire les choses de l’amour avec sérieux et désinvolture à la fois. Cependant, pour être plus précis laissons à l’auteur du Siècle des Lumières, le choix des mots: « J'ai guetté dans le coeur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l'amour lorsqu'il craint de se montrer, et chacune de mes comédies a pour objet de le faire sortir d'une de ces niches. C'est tantôt un amour ignoré des deux amants, tantôt un amour qu'ils sentent et qu'ils veulent se cacher l'un à l'autre; tantôt enfin un amour incertain et comme indécis, un amour à demi-né, dont ils se doutent sans en être bien sûrs  et qu'ils épient au-dedans d'eux-mêmes avant de lui laisser prendre l'essor ». Ces différents méandres de l’amour se retrouvent à l’évidence dans cette pièce majeure nommée « Les Fausses Confidences » où la plupart des personnages avancent à pas feutrés, utilisant un langage suffisamment ambigü pour se laisser prendre au jeu de l’amour et du hasard….
Et, dans ce mélange de personnages de conditions sociales « décalées », non conformes à l’éthique de l’époque, fait exception Dorante. Interprété par Louis Garrel, beau et bien fait de sa personne, ce Dorante-là est un amoureux terriblement sincère. Face à une riche veuve Araminte qu’incarne avec délice et gourmandise Isabelle Huppert, il a du mal à faire admettre sa réelle sincérité parce qu’ici tout n’est que pièges, frivolités, complots, intrigues à l’instar des cours royales d’autrefois où tout n’était aussi que fausses confidences…

                                                                                           Isabelle Huppert et Louis Garrel

                                                                                                                       

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Les comédiens jouent leur rôle à merveille : du valet Dubois (Yves Jacques), habile à tirer les ficelles, à la mère « douairière » Madame Agante (l’étonnante Bulle Ogier) pas intéressée pour deux sous…, en passant par celle qui se croit aimée de Dorante, la suivante Marton ( Manon Combes) et le comte et le garçon joailler, et le laquais et Arlequin  et Monsieur Remy et le professeur de Tai Chi - une discipline anachronique, s’il en est mais qu’importe, il est là pour aider Amarinte à canaliser son énergie et à maîtriser,       peut-être, ses élans amoureux… - . Cependant, malgré toutes les stratégies plus ou moins perfides, la veuve succombera lentement mais sûrement au piège de l’amour !

                                                                                 Manon Combes, Isabelle Huppert, Bulle Ogier

 

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Tout ce joli petit monde virevolte avec une certaine désinvolture dans une sorte   de double jeu psychologique, mené de mains de maître par le talentueux Luc Bondy, metteur en scène éclairé.                                                                                                                                                                                                                                                                     Les nombreux changements de décors, que nous devons à Johannes Schütz, reflètent impeccablement les états d’âme divers et variés d’Araminte. Les grands espaces scéniques où jonchent une foultitude de chaussures de femmes, bien entendu, témoignent d’un appartement cossu mais déjanté où coule à flot le champagne, où se consument à profusion les cigarettes (il y a là aussi, une adaptation moderne de la pièce), et dans lequel Isabelle Huppert évolue malgré  tout avec aisance, charme  et volupté dans des tenues (de Dior, excusez du peu !) d’une élégante sobriété, qui lui vont à merveille.
J’ai parlé des méandres de l’amour mais on pourrait parler aussi des méandres du  langage amoureux. Ce qui n’est pas sans évoquer, plus près de nous,  le livre « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes qui considérait que le discours amoureux du XXème siècle était « d’un extrême solitude ». Au sujet de l’attente, voici la définition de l’auteur : « Tumulte d’angoisse suscité par l’attente de   l’être aimé, au gré de menus retards (rendez-vous, téléphones, lettres,….) » ; au sujet de la conduite : « Figure délibérative : le sujet amoureux se pose avec angoisse des problèmes, le plus souvent futiles, de conduite; devant  telle alternative, que faire ? Comment agir ? » ; et, cette explication du pourquoi : « En même temps qu’il se demande obsessionnellement pourquoi   il n’est pas aimé, le sujet amoureux vit dans la croyance qu’en fait l’objet aimé l’aime, mais ne le lui dit pas ». Cette approche du pourquoi ne pourrait-elle pas s’appliquer, à Dorante qui, comme tout amoureux, désespère et espère quand même ?....
Voilà bien des réflexions jubilatoires que suscite cette pièce de Marivaux et le très beau spectacle bien rythmé, avec un final magnifiquement étoilé…                                          Du beau théâtre et un vrai divertissement, dans ce somptueux Théâtre de l’Odéon, quasiment mythique !
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* Théâtre de l’Odéon place de l’Odéon 75006 Paris.                                                                                                                                                                                                  Réservations : 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu                                                                                                                                                                                               du mardi au  samedi à 20 h, dimanche à 15 h.                                                                                                                                                                                                    Jusqu’au 27 juin 2015.
                                                                                                                      Lydie-Léa Chaize


01/06/2015
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