Mes Coups de Coeur Culturels et bien d'autres...

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" Rossignol à la langue pourrie" de Jehan-Rictus ****

 

 

 

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Dès son apparition dans une encoignure de la scène, tel un papillon de nuit qui pénètre dans le rai de lumière d’un projecteur, la comédienne Agathe Quelquejay, se déploie avec langueur. D’emblée, elle nous captive avec les mots du poète montmartrois Jehan-Rictus, quelque peu oublié, hélas !....

 

 

Agathe Quelquejay au solROS_3

 

 

Jehan-Rictus (1867-1933) a lui-même vécu une vie d’errance, et c’est précisément cette vie, qui l’a inspiré, si justement. Son argot d’antan coloré, poétique, réaliste mais jamais vulgaire, dans la bouche de la belle comédienne, a le goût d’un bonbon, certes parfois amer, cependant sans pathos et si voluptueux….Belle performance dans l’expression de cette langue difficilement prononçable !...

Agathe Quelquejay, d’une beauté naturelle, d’une élégance toujours renouvelée, d’une gestuelle impeccable, se délecte visiblement et nous charme par sa palette d’un jeu aux multiples facettes.      Tour à tour mutine, clownesque, désabusée, elle se métamorphose à chaque instant sous nos yeux. Ses propres vibrations nous subjuguant au point de nous emporter dans le tourbillon d’une vie de femme tourmentée, émouvante, toujours souriante malgré un rictus désenchanté…Quel talent !

Agathe QuelquejayROS_16

 

                                                           Agathe Quelquejay, majestueuse !

 

Du recueil « Le Cœur populaire », quelques poèmes sont extraits, pour nous faire découvrir des balades, des complaintes, des supplications dans lesquelles on découvre des personnages d’enfants mal aimés et battus, de prostituées contraintes et des gens de peu…

« Les petites baraques » témoignent de cette enfance maltraitée :

« M’man ? Laiss’-moi voir les p’tit’s baraques….

Tu m’ sahut’s, tu m’ fais mal au bras…

Aïe, M’man ! Tu fous toujours des claques ! ».

Et puis, ce poème sans fard, « Idylle », qui met en exergue les propos d’un souteneur :

« Dis, Môm’, tu veux-t’y et’ ma poule ?

J’ s’rai ton « p’tit homm’ », tu sais, j’ suis gas ;

j’ te défendrai, j’ te battrai pas…. ».

Ou encore dans un élan de désespoir, les supplications dans « La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon » :

« Seigneur Jésus, je pense à vous !

Ça m’ prend comm’ ça, gn’y a pas d’offense !

J’ suis mort’ de foid, j’ me quiens pus d’bout…

Ce soir, pardi ! c’est Réveillon :

On n’ voit passer qu’ des rigoleurs…. ».

j’ gueul’rais « au feu » ou « au voleur »,

qu’ personne il y f’rait attention….».

Et cette mère, « Jasante de la Vieillle » à son enfant guillotiné :

« Adieu mon p’tit, pars….pour la Morgue.

Tout l’ mond peut pas, évidemment,

S’procurer pour son enterr’ment

Les griftons, la grand Messe et l’orgue…. »

 

On ne se lasserait pas de lire, dans un style très fouillé, les oeuvres de Jehan-Rictus sur lesquelles, il s’est exprimé ainsi : « Faire enfin dire quelque chose à Quelqu’Un qui serait le Pauvre,

ce bon Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours.

Voilà ce que j’ai tenté. ».

Ses poèmes, reflets du réalisme de l’époque, nous émeuvent et nous interpellent encore de nos jours dans notre propre pays, notamment parce qu’ils mettent en évidence les mêmes problématiques sociales, qui perdurent en tous lieux et de tous temps……

Une mention spéciale au talentueux metteur en scène Guy-Pierre Couleau, qui nous offre un décor épuré d’une grande beauté, soutenu par une mise en lumière constamment adaptée, sur des accents d’une musique contemporaine de Arvo Pärt, compositeur estonien; donnant ainsi une dimension lyrique, voire spirituelle, en parfaite symphonie avec le tragique de cette pièce.

Et, presqu’en confidence, les pierres d’une des caves médiévales du théâtre Essaïon se prêtent à ce spectacle Unique, qu’il est impératif de voir de toute urgence!

 

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**** Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard 75004 Paris.

01 42 78 46 42 / essaionreservations@gmail.com

 

                                                             Jusqu’au 18 mars 2024

 

 

                                                                                                                                          Lydie Léa Chaize



26/02/2024
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