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" Le Bouquiniste Mendel ", d'après Stefan Zweig ***

Une belle adaptation de Jean-Luc Giorno avec la complicité de son ami Yves Patrick Grima qui assure une mise en scène dépouillée mais efficace, mettant en valeur, l’un et l’autre, les mots très choisis de Stefan Zweig. Figure éclairante de l’intelligentsia viennoise, chroniqueur de «l’âge d’or » de l’Europe. Il écrivait : « On ne fait les livres que pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre ainsi contre les adversaires les plus implacables de toute vie : l'évanescence et l'oubli ».

Paul Ricœur, philosophe contemporain, se positionnait aussi « contre l’oubli forcé, auquel les sociétés s’adonnent afin de mettre de côté les moments douloureux de leur histoire ». L’action se situe dans les faubourgs de Vienne après la première guerre mondiale, où des relents d’antisémitisme montent très sensiblement. Jacob Mendel, juif originaire de Galicie, bouquiniste érudit, passionné par les livres, capable d’en mémoriser moult références, est installé devant une table dans un coin du Café Gluck. Il se tient à la disposition de toute personne (étudiant ou pas) qui recherche une expertise dans le domaine qui lui est si cher, les bouquins ! « Car il lisait comme d'autres prient, comme un joueur qui se passionne pour sa partie, ou comme un ivrogne hébété regarde fixement dans le vide; il lisait avec un recueillement si frappant que, depuis, la manière dont lisent les autres m'a toujours semblé une chose profane » dixit Stefan Zweig. Ici, c’est le récit poignant de la vie d’un homme, sans histoire, qui sera arrêté au motif qu’il est juif. Et, au prétexte qu’il reçoit « des quatre coins du monde la documentation nécessaire à entretenir son expertise" », il sera suspecté d’espionnage et emprisonné. Un personnage incarné par le comédien Jean-Luc Giorno, avec maestria et toute la sensibilité humaine d’un ancien pédiatre qu’il a été dans la vie. Tour à tour, il se transforme pour composer des portraits différents et réalistes de ce bouquiniste quasi monomaniaque. La réplique lui est donnée avec discrétion par sa femme dans la vie, la comédienne Nicole Giorno. Musique et bruitage donnent la juste mesure de la mise en scène, orchestrée par Yves Patrick Grima, comédien, producteur, directeur du théâtre « L’Ane Vert », à Fontainebleau.

Un spectacle, tout en finesse, fidèle à l’écriture de Stefan Zweig qui, toute sa vie, a été hanté par le ravage des guerres et le sentiment de haine d’une société en perte de civilisation. A tel point qu’il a fui le nazisme, pour se réfugier au Brésil, où il finira par se suicider avec sa femme. "J'ai vu croître et se propager sous mes yeux les grandes idéologies de masse, le fascisme en Italie, le national-socialisme en Allemagne, le bolchevisme en Russie et, par-dessus tout, cette peste par excellence qu’est le nationalisme, qui a empoisonné la fleur de notre culture européenne». A-t-il écrit. Le thème de l’antisémitisme est de plus en plus représenté au théâtre et nous n’avons qu’à nous en féliciter. L’oubli, voire le déni, est le pire de tous les dangers.

Une pièce de qualité à voir de toute urgence. ---------------------------------------------- *** A LA FOLIE THEATRE, 6 rue de la Folie Méricourt 75011 Paris. Réservations : 01 43 55 14 80 / www.folietheatre.com Jusqu’au samedi 29 novembre 2025

Lydie Léa Chaize, journaliste

30/09/2025

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