" Le songe d'une nuit d'été " de William Shakespeare *
Chacun connaît cette pièce de Shakespeare, ne serait-ce que par ouï-dire, mais la voir à la Comédie Française par le filtre de Muriel Mayette-Holtz qui en fait la mise en scène, est une vraie découverte !
Tout commence par l’union annoncée du roi d’Athènes, Thésée, avec la fougueuse Hippolyta, reine des Amazones. Mais les réjouissances qui se préparent sont rapidement occultées par les amours contrariées de quatre jeunes gens d’Athènes qui se poursuivent, d’abord en vain, avant que chacun ne finisse par retrouver sa chacune. Dans ce dénouement heureux, tout autant que dans les péripéties qui le précèdent, les fées ignorées des mortels y ont leur part; bien qu’accaparées par leurs affaires, elles se soucient parfois des humains qui viennent s’égarer en leur royaume. C’est dans celui-ci que se déroule presque toute l’intrigue, parenthèse onirique dans laquelle se débattent les amoureux; cette forêt magique est figurée par un décor épuré, par de « vivants piliers » et un fond blanc satiné, comme un écran sur lesquels projeter ses rêves et ses fantasmes. Quant aux fées elles-mêmes, elles sont bien loin de ressembler à celles des contes qui ont bercé notre enfance ! Ici, les fées sont totalement simiesques et contrefaites, elles disent l’essence primitive de nos songes et de nos désirs, un peu trop oubliée dans nos sociétés policées. Leurs costumes semblent avoir été dessinés pour traduire une vision animale de l’amour, tandis que ceux des jeunes filles athéniennes, sous-vêtements délicats, en sont la version raffinée. Dans la forêt magique, ce sont deux aspects de l’érotisme qui se rencontrent.
On rit beaucoup, car Muriel Mayette-Holtz a pris le parti de l’irrévérence, sans pour autant dénaturer le texte dont les potentialités comiques sont exploitées au mieux. Il faut voir le remarquable Christian Hecq, alias Obéron, le roi des fées s’emporter contre son fidèle Puck, obéissant et dévoué mais pas toujours très malin : « ké ta fait ??? ». Et oui, qu’a-t-il fait ? Eh bien il a tout mélangé !...Il est vrai qu’il n’aime rien tant que les histoires embrouillées; que voulez-vous, ça l’amuse, après tout, c’est un lutin…
Ici, trois espaces bien définis nous sont proposés : le monde des hommes, relégué dans la salle, parmi les spectateurs ; celui des fées investissant toute la scène et, l’estrade des comédiens amateurs donnant une représentation devant la cour athénienne, enchâssée dans le décor et comme découpée dans le royaume de féérie. Ce n’est pas un des moindres mérites de la mise en scène que d’avoir établi ce jeu signifiant de séparation spatiale.
Tout se finit par un beau spectacle donné au roi Thésée et à sa cour, en vérité extrêmement drôle, car ses acteurs improvisés ne sont pas exactement au point… Il n’empêche que Muriel Mayette-Holtz a rendu hommage aux « comédiens amateurs » dont elle admire le travail et dont Charlie Chaplin disait : « C’est ce que nous sommes tous, des amateurs, on ne vit jamais assez longtemps pour être autre chose »…
Le chef-d’œuvre de Shakespeare a déjà fait l’objet de multiples mises en scène. Ici, il bénéficie d’une salle prestigieuse et d’acteurs parfaits de bout en bout. Un bel hommage lui est rendu car en fait, la vie n’est-elle pas un songe et le monde un théâtre ?...Pour l’heure celui de la Comédie Française !
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* Dans la salle Richelieu de la Comédie Française, place Colette 75001 Paris.
réservations: 0825 10 1680
jusqu'au 14 juin 2014
Février 2014
Sandrine Cambou
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