" HAMLET " de William Shakespeare *
Daniel Mesguich
Que vous soyez passionné (e) ou pas du théâtre de Shakespeare, et plus précisément de son œuvre majeure « Hamlet », vous n’avez que l’embarras du choix pour essayer de comprendre la pensée du célèbre auteur britannique, au travers des mises en scènes diverses et variées, tant cette pièce a eu les honneurs de nombreuses scènes de théâtre et de nombreux festivals. De Antoine Vitez à Daniel Mesguich en passant par Peter Brook, Georges Wilson, Patrice Chéreau et bien d’autres, pour ne citer quelques metteurs en scène les plus marquants… Mais, le plus persévérant de tous à n’en pas douter c’est Daniel Mesguich puisque, en quarante ans de travail, il en est à sa 4ème mise en scène C’est dire à quel point en excellent philosophe, Daniel Mesguich se questionne et remet maintes et maintes fois l’ouvrage sur le métier, pour obtenir moult réponses et aboutir à cette très belle réflexion dont la profondeur n’échappera à personne : « Quels que soient mes travaux, écrit-il, je n’aurai fait, au fond, je le sais, que tenter de mettre en scène Hamlet, toute ma vie, et je reviens toujours à lui, à sa lettre, inlassablement, tous les dix ans. Comme si c’était me ressourcer, pour ne pas perdre le Danemark, - ce nord-, trop longtemps…Comme si c’était, aussi, pour me mesurer à lui, en un duel perdu d’avance ; ou encore, à lui me mesurer, prendre à l’aune de cet absolu, la mesure de mon temps, relatif… ». En effet, qu’en est-il de ce temps qui nous échappe, de ce temps qui nous est compté ? Faut-il le passer à se quereller, à souffrir, à vouloir se venger au risque de perdre sa vie à l’instar d’un Hamlet accablé par son destin, qui se pose la question essentielle « Etre ou ne pas Etre ».
A contrario, dans l’adaptation et la mise en scène de Mesguich tout est théâtre, le monde est un théâtre, la vie est un théâtre où tout est fantasme et illusion. Les personnages s’observent désespérément dans des miroirs virtuels, dans de jolis jeux d’ombre et de lumière proposés par Mathieu Courtaillier et Angélique Bourcet. Daniel Mesguich vit et vibre par le théâtre, pour nous offrir le meilleur de lui-même ; cela se sent, cela se devine dans ses créations. Ici, à travers des situations pathétiques, déchirantes, délirantes et jubilatoires, il met en évidence un texte visible qui répond à l’invisible comme pour faire écho à la mémoire. Ce qui n’est pas sans rappeler cette concordance de pensée avec Peter Brook, qui disait : «Si vous niez le surnaturel, vous ne pouvez pas monter une pièce de Shakespeare car, chez lui, le sens de l'invisible est fondamental».
Hamlet reste une pièce moderne malgré le temps, les époques et les milieux sociétaux. Les personnages calculateurs, violents, manipulateurs,…. , ne sont pas pour nous dépayser !.. Ils sont à l’image du monde, d’un monde en pleine mutation, dirons-nous ! Nous assistons à des combats chevaleresques dans une ambiance de complots, de tromperies, de vengeances, d’empoisonnements, d’erreurs de jugement pour obtenir le pouvoir; tout ceci menant forcément à des amours funestes.
Les comédiens, excellents, - Anne de Broca, Philippe Maymat, Sarah Gabrielle, Zbigniew Horoks, Rebecca Stella, Yan Richard, Eric Bergeonneau, Marie Frémont, Florent Ferrier, Tristan Willmott -, jouent avec jubilation et les personnages traversent les miroirs, reflets de leur âme, dans des lumières en clair-obscur comme nos sentiments humains.
William Mesguich
Et que dire d’Hamlet, ce prince danois qu’interprète William Mesguich ?...Si ce n’est qu’il est talentueux et le digne fils de son père. Dans son costume flamboyant, il est magnifiquement beau et sa folie « raisonnée » nous émeut. A la fois cruel, arrogant, fort, désespéré et fragile, il représente le symbole même de l’âme des héros d’un théâtre que nous ne cesserons jamais d’aimer.
« Etre, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter par une révolte ?... Mourir... dormir, rien de plus ;..... et dire que, par ce sommeil, nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c'est là un dénouement qu'on doit souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver !...... la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée…….Les mots s’envolent, les mots sans la pensée jamais ne vont au ciel.. Doucement, maintenant ! Voici la belle Ophélia... Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés ».
A voir sans modération (3 heures avec entracte !) ce spectacle poétique, voire métaphysique, tour à tour grave et ludique, là où, William ………. Shakespeare, William………..Mesguich et Daniel du même nom se confondent dans le talent, la folie et l’amour.
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* Théâtre de l’Epée de Bois, La Cartoucherie,
route du Champs de Manœuvre 75012 Paris
Réservations : 01 48 08 39 74 / www.epeedebois.com
Jusqu’au 30 novembre 2014
Lydie-Léa Chaize, journaliste
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