" Huis Clos " de Jean-Paul Sartre *
« L’enfer, c’est les autres » : qui ne connaît cette célèbre expression ? Même ceux qui n’ont pas lu ou vu « Huis-Clos » l’ont entendue. Pour beaucoup, elle signifie simplement que vivre avec autrui est parfois bien pénible alors que le propos du dramaturge va plus loin. Pour l’illustrer, Sartre le philosophe athée choisit de placer, après leur mort, trois personnages en enfer, un enfer sans grils et sans pals. Pas sans bourreaux cependant car, les démons sont là, mais pas forcément là où on les attendait...
Il s’agit de voir ce qu’il advient de nous lorsque nous sommes placés en permanence sous le regard d’un autre, auquel nous ne pouvons échapper. La gamme des attitudes adoptées est large : cela va du maintien, coûte que coûte, du personnage social, jusqu’à la violence quand il faut bien admettre que les apparences ne font plus illusion.
Les trois personnages réunis pourraient s’associer par paires mais voilà, soit le troisième ne le permet pas, soit quelque chose ne fonctionne pas. Inès voudrait aimer Estelle mais cette dernière la rejette. La belle Estelle tente de séduire Garcin mais sans succès... Il ne reste plus à Garcin qu’à convaincre Inès de ne pas faire de sa mort un enfer. Chacun, prisonnier de lui-même autant que de ses compagnons, se voit contraint de jouer sans fin son rôle de bourreau et de victime, dans un jeu orchestré par d’autres, inconnus et invisibles.
Le jeu des comédiens, tous excellents, met davantage encore en lumière toute la perversion des rapports humains, lorsqu’ils sont marqués par la dépendance au regard de l’autre. Daniel Colas, en comédien virtuose, figure un Garcin pathétique, préférant se faire passer pour un époux tortionnaire, plutôt que de dévoiler sa lâcheté en temps de guerre, celle qui conduit à l’enfer.
Dans cet univers sartrien, la mise en scène se fait discrète et sobre mettant en exergue, par un jeu de lumières subtiles, un bronze - au regard aveugle - du sculpteur Barbedienne. Sa présence un peu mystérieuse symbolise-t-elle la conscience ? Par sa fixité signifie-t-elle que rien ne changera, jamais, dans la condition des damnés ? Damnés que nous sommes, aussi, quand nous n’avons pas la force de briser la ronde…
« Huis-clos » est un classique qui revient régulièrement dans les programmes scolaires. Mais curieusement, il n’est pas joué souvent, et c’est bien dommage ! Bien que le texte soit en lui-même suffisamment puissant, il gagne encore à être représenté, la mise en scène de Daniel Colas en est la preuve.
On ne peut que se féliciter de cette programmation dans ce joli Théâtre de Poche à Montparnasse et encourager à redécouvrir un texte indémodable !
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* Théâtre de Poche-Montparnasse 75 bd Montparnasse 75006 Paris
Réservations : 01 45 44 50 21 : www.theatredepoche-montparnasse.com
Jusqu’au 11 janvier 2015
A 21 h du mardi au samedi, à 15h le dimanche.
Relâches les 24, 25, 30, 31 décembre, et 1er janvier
Sandrine Cambou
Lydie-Léa Chaize
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