Mes Coups de Coeur Culturels et bien d'autres...

Mes Coups de Coeur Culturels et bien d'autres...

" Il n'y a pas si longtemps de Max Aub *** à partir du 18 juillet au festival d'Avignon

 

Mise en scène et interprétation de Marthe Vandenberghe.

 

 

 

                                                                A.Il n'y a pas si longtemps affiche  avignon 2019.jpg

                                                                                                    

Vous connaissez Max Aub ? Moi pas …, jusqu’à ce jour de la « Première » de cette pièce « Il n’y   a pas si longtemps », où par bonheur j’ai rencontré Emilia Aru, directrice de la Maison d’Edition « Portaparole », qui m’a éclairée.                                                                                        Max Aub est né en France en 1903, dans une famille juive d’origine allemande (mère française et père allemand), qui s’est exilée en Espagne en 1914. Là, il obtient la nationalité espagnole, connait la guerre d’Espagne et s’engage auprès des républicains contre le franquisme. Il se lie d’amitié avec différents milieux intellectuels espagnols et français dont Picasso, Lorca, Buñuel, Dali, Malraux,… En 1937, il est nommé Attaché Culturel à l’Ambassade d’Espagne à Paris.                                                                              

Plus tard, il sera accusé d’idéologie communiste, arrêté en France pendant l’occupation et envoyé, sous Vichy, en camp de concentration dans le Sud de la France, puis en Algérie, d’où il réussira à s’échapper pour rejoindre les exilés espagnols au Mexique. Il sera  « un agitateur culturel » très actif dans de nombreux domaines. Romancier, dramaturge, essayiste, scénariste, poète, sa vocation littéraire sera aussi tournée vers le théâtre. Malgré une œuvre considérable, peu d’écrits de Max Aub ont été traduits en français. Ce  qui donne un écho particulier à ce monologue prémonitoire, intitulé « Il n’y a pas si longtemps », annonçant une tragédie, sans précédent, des juifs en Europe. Cet ouvrage écrit à Paris en 1939,    ne sera publié au Mexique que dix ans plus tard.                                                                             

L’action de cette pièce se déroule à Vienne en 1938, au moment où l’antisémitisme fait rage. Seule en scène, Emma qu’interprète la comédienne Marthe Vandenberghe, nous raconte son histoire s’adressant, dans son imaginaire, à son époux Adolfo, arrêté à Vienne et assassiné par les nazis en camp de concentration. Elle n’a de cesse d’évoquer son fils Samuel dont elle est fière : « Il a été le Secrétaire du Consulat d’Autriche à Barcelone, tu te rends compte Adolfo ! ». Mais, son fils est mort en prison pendant la guerre d’Espagne et sa pensée obsessionnelle est celle d’ignorer à quel camp politique il appartenait !                                                                                                                                               Désormais, femme de ménage, elle vit dans une mansarde au-dessus de son ancien appartement occupé par des sympathisants du régime…

    IMG_2054.jpg
C’est une femme en proie au désespoir mais, un désespoir actif ; elle est tour à tour : aimante, meurtrie, parfois espiègle et, ô combien  vivante et humaine. «  J’ai grandi peu à peu, c’est pourquoi je ne veux être consolée par personne » s’écrie-t-elle. Sa force nous sidère et sa révolte pleine d’ironie nous rend admiratifs. « Je ne veux pas que l’on ait pitié de moi…..je veux que Dieu les punisse pour toujours !». Parfois exquise, souriante et coquette, elle veut rester debout ! Et, toujours, inlassablement, elle se demande pourquoi ?... pourquoi de telles horreurs? Pourquoi à nous ?... Elle ne se suicidera pas ! D’ailleurs elle demande à Adolfo de l’en empêcher !...Veut-elle résister à cette tragédie pour voir jusqu’où iront toutes ces ignominies ? Arrestations, délations, emprisonnements, tortures, déportations,…                                                                                       

Elle revisite sa vie d’avant, celle d’un bonheur perdu, celle d’une vie de bourgeoise «diplômée !». L’évocation de ses souvenirs nous émeut: le voyage de noce à Venise avec Adolfo, un autre à Florence ou, un voyage à Vienne avec son manteau d’astrakan orné d’un bouquet de violettes et son manchon…Elle avait chaud, en ce temps-là…Aujourd’hui, elle a froid ! Comme elle a froid !...     

          Marthe assise il n'y a pas si longtempsIMG_2025.jpg
« J'ai les mains engourdies; je peux les regarder comme si ce n'était pas les miennes, rouges, foncées. Et pourtant j'ai fait des études, mon diplôme était dans un cadre en acajou... C'était dans l'autre vie. Je suis cernée par le froid et j'ai les mains gelées ; je ne me déshabille plus que pour me laver le matin. Ça oui, je continue à me déshabiller totalement. Ça, personne ne pourra m'en empêcher, personne !».

Cette vie inattendue et si précaire est difficile à vivre et pourtant il faut vivre. La présence imaginaire d’Adolfo lui donne cette force, celle de supporter le quotidien qu’elle raconte parfois non sans une certaine malice….Ses voisins qui désormais l’ignorent, ses rencontres fortuites dans la rue, cette agressivité ambiante,….. Et, cet instant unique d’émotion lorsqu’elle crie « J’ai vu  brûler la synagogue !». A l’évocation de cette foule quasi joyeuse, prête à faire une ronde autour       de l’embrasement !.... désarmée, elle s’exclame : « Il y en a encore qui ne veulent pas savoir ».

Et, pendant que s’égrènent les mots sur une petite musique discrète, un son lancinant de gouttes d’eau qui tombent d’un tuyau percé, marque le temps qui passe… La comédienne occupe l’espace scénique avec intelligence, se déplaçant au gré de son désespoir dans un décor sobre, dépourvu   de tout artifice. Seul le texte compte. Elle donne aux mots simples mais prégnants de Max Aub  une dimension quasi christique, sa foi en Dieu est inexorable, ses mots clé sont Foi, Espérance    et  Charité « Le Seigneur veut m’éprouver…Moi, j’accepte tout ce que le Seigneur veut bien m’envoyer comme souffrances mais, il y a quelque chose en moi qui me pousse à crier la douleur de mes blessures».  Et, comme dans un cri d’espoir ultime, elle termine par ces mots  « Mais, un jourviendra la liberté…».                                                                                                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                                                                                                                                      

Entre autres interprétations, Marthe Vandenberghe a incarné, en 2016 à Avignon,  la merveilleuse Sarah Bernhardt. Aujourd’hui elle nous dit : « Peu à peu Emma est entrée dans ma vie, je pensais  à elle tous les jours et je la trouvais remarquable. Elle s’adresse à son mari mais aussi      à nous ». A l’instar du Max Aub qui écrivait : « Si tout ce que j'ai écrit a une certaine valeur, c'est celle de témoigner….. j’écris pour ne pas oublier, j’écris pour expliquer et m’expliquer ».

En substance, nous pouvons affirmer qu’à l’échelle de l’Humanité, il n’y a pas si longtemps que toutes les atrocités du nazisme ont été perpétrées. Alors, espérons que restera longtemps dans nos mémoires, l’histoire d’Emma qui est aussi la nôtre et gageons que ses maux insoutenables auront un écho amplifié auprès des spectateurs que la comédienne saura rendre captifs, par l’évidence  de son  talent.                                      Une page douloureuse de l’Histoire, écrite par l’inclassable auteur Max Aub, dont s’empare la comédienne Marthe Vandenberghe, étonnante de vérité !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     U Un spectacle à ne pas manquer à partir du 18 juillet à Avignon. 

 

 -------------------------------------------------------------------------------

***  Théâtre de l’Etincelle 14 place des Etudes à Avignon.

                                                     

                                                                                 Du 18 au 28 juillet 2019

 

 

 

                                                                                                                           Lydie Léa Chaize

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



20/05/2019
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 69 autres membres