LUCRECE BORGIA *
Béatrice Dalle « La Borgia ! » apparaît là devant nous, belle, majestueuse, imposante dans une robe noire qui augure d’un destin funeste, la mère incestueuse aux seins généreux. D’emblée, on devine que la partie est gagnée, puisque la comédienne n’était jamais montée sur les planches. C’était donc en quelque sorte une gageure !
Ici les planches sont des pontons sous lesquels les eaux, de Venise et de Ferrare, vont être le théâtre de scènes gigantesques, de combats titanesques, de nuits… orgiaques à la démesure de la merveilleuse comédienne.
David Bobée rêvait de monter cette pièce depuis fort longtemps, il lui fallait une Lucrèce Borgia hors norme, il l’a trouvée à la mesure de l’œuvre théâtrale hugolienne, singulièrement puissante et dont l’écriture témoigne de la minutie et de la précision d’un orfèvre. Une véritable délectation du verbe !
Dans l’écrin du Château de Grignan construit entre le XII ème et le XVII ème siècles, l’un des plus beaux exemples de l’architecture Renaissance dans le sud-est de la France, ce spectacle ne pouvait que contribuer à en faire une œuvre dont on se souviendra longtemps. Généralement l’eau est source de vie, ici la mise en scène se veut être désolation, outrances et meurtres dans un milieu aquatique maléfique où les acteurs aux corps très athlétiques évoluent avec jouissance et volupté. On se plait à imaginer l’Italie du XV ème siècle avec ses fastes et ses intrigues dans une Renaissance étincelante, alors que devant nous tous les ingrédients et les déviations des sentiments humains sont réunis pour mettre en exergue cette monstruosité hélas ! contemporaine, pour ne pas dire universelle.
En faisant appel à des comédiens de toutes disciplines : le cirque, le chant, la musique, … , le metteur en scène fait preuve également d’une grande audace. Alors que le théâtre classique se veut être une école de diction exemplaire sans le moindre accent (ou si peu...), ici sont dévoilés des accents de notre quotidien…
Quoiqu’il en soit, dans cette troupe dynamique et motivée, quelques talents émergent : Pierre Cartonnet alias Gennaro, Jérôme Bidaux alias Gubetta et Butch Mc Koy, pour sa présence « électrique » sur le plateau et sa musique terriblement colorée. Cette pièce de Victor Hugo a souvent été jouée, plus ou moins avec bonheur. Pour l’heure, nous retiendrons la version récente de La Comédie Française où Guillaume Gallienne restera inoubliable dans le rôle de Lucrèce Borgia et, cette Lucrèce-là interprétée par une Béatrice Dalle, sidérante, étonnante de vérité et de sincérité, tour à tour louve et agnelle, dans un décor exceptionnel et une scénographie à couper le souffle.
Un moment de théâtre trop fugitif, un moment de grâce où le temps reste suspendu…
Après Grignan, cette pièce partira en tournée alors, gageons que, dans un espace plus restreint, Davide Bobée aura encore et toujours une imagination débordante de beauté .
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* Château de Grignan - Les Fêtes Nocturnes -
04 75 91 83 65 (billeterie spectacles)
04 75 91 83 50 (standard)
- - - > jusqu’au 23 août 2014 à Grignan.
- - - > du 15 au 18 octobre 2014, au MAC à Créteil
http://maccreteil.com / 01 45 13 19 19
- - - > en tournée d’octobre 2014 à mai 2015:
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